Aujourd'hui, La Fourmi est touchée coulée
cache/AujourdHuiLaFourmiEstToucheeCoulee_fourmi_vignette_230_230.jpgLa Fourmi est parmi vous. Elle donne, le jour, des cours en lycée agricole ; elle retranscrit, la nuit, ce qu'elle a observé la journée. La Fourmi, est-ce l'un de vos professeurs...? La Fourmi se glisse dans les couloirs et les salles de votre lycée, d'où elle vous observe grandir, apprendre, vous ennuyer, mûrir, attendre, vous émouvoir, découvrir, vous amuser, traîner des pieds, désirer, vivre, sur les montagnes russes de votre adolescence.
La Fourmi leur a dit de ne pas hésiter à passer dans sa classe pour faire de la publicité et attirer des jeunes lycéens à leur spectacle "Gaston Couté".
Les deux étudiantes d'ACSE ont choisi les Secondes Professionnelles Production Animale. Quand La Fourmi leur a demandé pourquoi, elles ont répondu se sentir concernées par ces jeunes-là, qu'elles étaient eux il y a quelques années, que le spectacle aborde leur monde, leur histoire, leur passé, dont elles voudraient les aider à s'emparer. Par la poésie.
La Fourmi leur a souri.
Elle a préparé leur venue, avec une séquence sur le poème ciblée : deux textes de chansons, des discussions sur le lien et la différence entre l'oralité et l'écriture, l'analyse des termes mélioratifs pour décrire le monde agricole... la lutte contre la misère dans les campagnes au dix-neuvième ; allons vérifier chez Verhaeren, On ne rencontre, au loin, qu'enclos rapiécés / Et chemins noirs de houille et de scories / Et squelettes de métairies / Et trains coupant soudain...
Les étudiantes toquent à la porte, à la minute précise qui a été fixée, juste après l'appel. La Fourmi leur laisse tout son espace (et au passage, intercepte négligemment une grille de bataille navale tout juste amorcée) : l'estrade, les stylos à tableau blanc, le bureau, le dictionnaire sur le devant.
En face, des élèves en attente, interloqués admiratifs, à mi-chemin entre deux attitudes : mouler son corps sur la chaise pour s'y balancer ; ou se redresser, se faire attentif, réceptif, surpris, accepter d'être touché. Désir de sourire pour se moquer, dans ce groupe peu solidaire dont le liant se tisse maladroitement en s'opposant à tout ce qui se hisse sur l'estrade ; et, en même temps, sans qu'aucun ne l'avoue, désir de se laisser emporter par la poésie de ces deux étudiantes qui, courageuses, sortent la guitare et se mettent à leur chanter, Je suis parti sans savoir où / Comme une graine qu'un vent fou / Enlève et transporte : / A la ville où je suis allé / J'ai langui comme un brin de blé / Dans la friche morte [...] / Je reviens, ayant rejeté / Mes noirs tourments de révolté / Mes haines de Jacques.
La Fourmi écoute planer ce délicat silence que deux étudiantes généreuses ont su créer.
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