Aujourd'hui, La Fourmi sent le temps passer

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La Fourmi est parmi vous. Elle donne, le jour, des cours en lycée agricole ; elle retranscrit, la nuit, ce qu'elle a observé la journée. La Fourmi, est-ce l'un de vos professeurs...?

La Fourmi se glisse dans les couloirs et les salles de votre lycée, d'où elle vous observe grandir, apprendre, vous ennuyer, mûrir, attendre, vous émouvoir, découvrir, vous amuser, traîner des pieds, désirer, vivre, sur les montagnes russes de votre adolescence. 

Aujourd'hui, La Fourmi sent le temps passer.

Les couloirs du lycée de La Fourmi rythment la semaine avec fiabilité.
Le lundi, on regarde où on marche. Les anses de sacs traînent en plein milieu, risquant d'entraîner nos pieds peu réveillés. Des amas de sacs, en majorité bleu marine, entassés, remplis de linge propre, repassé.
Le mardi, journée marathon. Tout le monde court, ici, le mardi : élèves, professeurs, étudiants, secrétaires, tracteurs, tout le monde s'active, s'agite, s'énergise et s'électrise. Le chien du vacher, dans l'exploitation, aboie à qui mieux mieux. On apprend, on reprend, on s'oppose et on compose.
De temps à autre, certains s'arrêtent pour s'enlacer.
Le mercredi midi, c'est rugby. On emballe quelques bras dans des plâtres, quelques pieds aussi. On est assez fier, avouez, d'un nez ou d'une côte écrasés, avec virilité, pour la bonne cause : la défense de la réputation du lycée sur pelouse étrangère. Des groupes entrent et s'arrêtent, parcourent avec tranquillité les couloirs vidés. Le mercredi, c'est jour de sortie. On revient avec des sachets de bonbons entassés sous le bras en cherchant à cacher, à grand peine, deux bouteilles d'alcool...
Certains passent voir La Fourmi dans la salle de tutorat, aide au devoirs, salon de thé, cellule psychologique et soutien méthodologique, parfois tout simplement pour avoir accès aux ordinateurs un peu moins surveillés. Le mercredi, on ralentit.
Le jeudi, c'est frénésie. On s'oppose, on fatigue, on s'interpose, on apprend, on compatit. L'infirmerie des bras plâtrés ne désemplit pas. Pourrais-je avoir une aspirine, un pansement, quelques mouvements de yoga, un peu d'écoute, un yaourt...?
Le vendredi, on regarde où on marche. Des anses de sacs dépassent de tous les coins des murs et des casiers, derrière les double-portes bleues de protection incendie, devant les lignes rouges, les panneaux verts, lignes vertes et panneaux rouges dont personne n'a jamais su, ou retenu, l'exacte signification. On déborde de partout, on empiète, au-delà de toutes limites, on laisse traîner, on dérive, on dérape, on se cherche et s'exaspère. Une odeur de sueur se dégage des sacs mal fermés, une odeur de pieds, de vaches marinées, une odeur assortie au bruit. Le vendredi, c'est cris.
A 18 heures, on a quitté le pont. Les lumières s'éteignent d'un coup. Il fait noir, il fait vide, elle est seule.
La Fourmi aimerait tant que le temps écoulé ne soit pas forcément du temps perdu.

La fourmi

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